Paul Stubbs' latest poetry collection is The Lost Songs of Gravity (2020).
The poem published below is followed by its French translation.
The Priest Kept Alive in Public
after ‘Statues and Figures in a Street’ by Francis Bacon, 1983
‘A splinter of wood holds my two swollen eyelids apart.’
Lautréamont
I still remember the
hour on which they
locked me into it this
glass-case; it was only a few
days after
the churches, temples
and mosques were
boarded up; forcing me
to watch
it
forever:
the final theological
drift of the peoples of
the faiths…
those who every day replace a lost
congenital mannequin with themselves,
to pray to what must remain
now imageless and/or ever-hooded...
for on Earth, I am the
last surviving priest!
listening here only to
the thud of God’s skull
cratering the dustscapes of my soul; I,
an atavistic no-zone in flesh,
an atom in space unsheathing...
But above the hose-sustainable hell of a new Jerusalem,
at least one hundred
thousand years from
now?
(where the resurrected are reduced
to weather-beaten torsos in the brain)
And where today, to my chagrin,
I am kept alive by electrocution
and
ice!
and/or by my own bone-juggling act of infinity!
—So, I guess, this is it
then? yes, the future
of immortality (gene-storms
and bright supernatural masks)
and my exposure to it, what?
the final smouldering ash-tray
of the mind, the burnt-out ends of
theology, species, icons, race...
—But what else to do inside of such a
small space?
well,
daily,
beneath a microscope I begin to crucify
each still ‘religious’ cell, to obliterate
any last syllable of self…
for on the day that I was
lowered down into here,
somebody hooded removed it
my most inconclusive rib,
so that, momentarily, I
resembled it, perfection…
—But the feeling didn’t last,
and soon they were replacing it with a
prosthetic tube, a rod, a pin?
Yet still, each day, if only to
spite them
(using a phial of blood from
my days as a working priest)
I attempt to
bleed back God
into my flesh!
Whilst in my dreams I construct
the most impossible hydraulic contraptions,
incredibly high scaffolds from
which to crash-test the dummies
of all future Christs…—But no,
very little here changes, not
even my delusions, as I, I peer
ever more mortally into the
street below;
(hearing now only the scuttling
away of the trinity, as if insects
trapped inside of the cardboard
box of my ear)
as the time-zone
for the scabs on all chiliastic wounds
expires, and the zero in my eye implodes.
—So remain here, remain here
I will, condemned now only to
watch for
an eternity
those plucked souls...
—Until when in the end-times
of nanotechnology,
and the second, final, and
robotic Christ he arrives, arrives
to save me, by smashing it
this glass, and by re-wiring
them these hands,
until I myself, finally,
I pray to him...
© Paul Stubbs 2015
Poem first published in The End of the Trial of Man (Arc Publications, 2015)
Le prêtre maintenu en vie devant la foule
D’après Statues et figures dans une rue, de Francis Bacon, 1983
« Un éclat de bois sépare mes paupières gonflées. »
Lautréamont
Je me rappelle encore
l’instant où ils
m’enfermèrent dans cette
vitrine ; quelques jours
seulement après
que les églises, les temples
et les mosquées eurent été
condamnés ; m’obligeant
à le
contempler
pour l’éternité :
l’ultime exode
théologique des peuples
des croyants…
ceux qui au quotidien remplacent un mannequin
perdu, congénital, par eux-mêmes,
afin de prier ce qui doit rester
désormais privé d’image et / ou à jamais encapuchonné…
car je suis sur Terre le
dernier prêtre en vie !
à l’écoute du seul
bruit sourd du crâne de Dieu
creusant des cratères sur les terrains poussiéreux de mon âme ; moi,
non-zone atavique de chair,
atome spatial jaillissant de sa gaine…
Mais au-dessus d’une nouvelle Jérusalem infernale, alimentée par des incendies,
d’ici au moins
cent mille
ans ?
(où les ressuscités sont réduits
à des torses érodés par le temps au fond du cerveau)
Et où, aujourd’hui, à mon grand dépit,
je suis maintenu en vie par électrocution
et conservé
dans la glace !
et/ou, jonglant avec des os, j’offre un spectacle d’infinitude !
– Ainsi, je suppose, c’est donc
cela ? oui, l’avenir
de l’immortalité (tempêtes de gènes
et masques surnaturels aux vives couleurs)
et le fait d’être exposé à quoi, au juste ?
à l’ultime cendrier ardent
de l’esprit, aux mégots calcinés de
la théologie, des espèces, des icônes, de la race…
– Mais que faire d’autre dans un endroit
aussi exigu ?
eh bien,
au quotidien,
sous le microscope, j’entreprends de crucifier
chaque cellule encore « religieuse », afin d’oblitérer
la moindre syllabe résiduelle de l’être…
car le jour où l’on m’a
déposé en ce lieu,
un individu encapuchonné l’a retirée
ma côte la moins probante de toutes,
de sorte que, momentanément, je
lui ai ressemblé, à la perfection…
– Un sentiment qui n’a toutefois pas duré,
car bientôt ils l’ont remplacée par
un tube prothétique, une tige, une épingle ?
Pourtant, chaque jour, ne serait-ce que pour
les contrarier
(au moyen d’une fiole de sang,
souvenir du temps où j’étais prêtre)
je m’efforce
de ramener le sang de Dieu
dans ma chair !
Cependant qu’en rêve je conçois
le dispositif hydraulique le plus irréalisable qui soit,
échafaudages d’une hauteur vertigineuse depuis lesquels,
en guise de test, je puis projeter vers le sol les mannequins
de tous les Christs à venir… – En fait,
rien ou presque ne change ici, pas
même mes hallucinations, tandis que moi, je scrute
plus mortellement encore la rue
en contrebas ;
(n’entendant à présent que les pas
hâtifs de la trinité, pareils à des insectes
piégés au creux cartonné
de mon oreille)
tandis qu’expire
le fuseau horaire des croûtes couvrant toute plaie
chiliastique, et qu’implose le néant de mes yeux.
– Aussi resterai-je, resterai-je
ici, dorénavant condamné à
ne contempler, une
éternité durant, que
ces âmes arrachées…
– Jusqu’au moment où, à la fin des temps
nanotechnologiques
quand le second Christ,
ultime et robotique, il viendra, viendra
me sauver, en la brisant cette paroi
de verre, et en les reconnectant
ces mains,
jusqu’à ce qu’enfin, en personne,
je lui adresse une prière…
© Blandine Longre 2020, pour la traduction.
également de Paul Stubbs, Visions de l'outre-monde, court recueil bilingue de poèmes choisis, a paru en 2019 aux éditions Hochroth-Paris (traduction de l'anglais par B. Longre)
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